Le chiffre est historique : la tempĂ©rature relevĂ©e Ă travers le globe en juillet 2023 a Ă©tĂ© la plus Ă©levĂ©e jamais enregistrĂ©e, avec une hausse de 0,72 °C par rapport Ă la moyenne de la pĂ©riode 1991-2020, selon les chiffres publiĂ©s mardi 8 aoĂ»t par lâagence europĂ©enne Copernicus. Mais en raison dâun dĂ©placement du jet-stream, la France a Ă©tĂ© plutĂŽt Ă©pargnĂ©e par les tempĂ©ratures extrĂȘmes, et a mĂȘme subi une mĂ©tĂ©o plutĂŽt maussade et humide pour la saison. Il nâen fallait pas plus pour que certains citoyens, qui considĂšrent le changement climatique comme une vaste imposture mĂ©diatique, raillent une « canicule asymptomatique ».
« Le froid, câest dans la tĂȘte » Lâexpression « canicule asymptomatique », dâune ironie mordante, sâest largement rĂ©pandue depuis le milieu de lâĂ©tĂ©. Un Ă©pisode en particulier semble lâavoir popularisĂ©e. Le 22 juillet, sur le rĂ©seau social Twitter (depuis rebaptisĂ© X), le journaliste du Parisien Nicolas Berrod explique que la fraĂźcheur dans le nord du pays relĂšve dâune « impression trompeuse », alors que les tempĂ©ratures restent « au moins lĂ©gĂšrement » au-dessus de la normale.
« 15 degrĂ©s sur Strasbourg actuellement avec forte pluie !!! Mais le froid câest dans la tĂȘte grĂące Ă Nicolas Berrod », ironise Silvano Trotta, dont les thĂ©ories conspirationnistes ont Ă©voluĂ©, du complot extraterrestre Ă la pandĂ©mie planifiĂ©e de Covid-19, pour nier dĂ©sormais le changement climatique. Le parallĂšle entre crises climatique et sanitaire est vite tracĂ©. « En 2020, vous aviez lâimpression dâĂȘtre en bonne santĂ© et Nicolas [Berrod, qui Ă©crivait alors sur le Covid-19, comme de nombreux journalistes] vous assurait que vous Ă©tiez malade. En 2023 vous avez lâimpression quâil fait bon mais Nicolas vous assure que vous brĂ»lez vif », surenchĂ©rit un membre du collectif covidosceptique RĂ©infocovid.
Le MĂ©dia en 4-4-2, blog aux accents populistes proche des « gilets jaunes », amplifie encore lâhistoire, en Ă©crivant que, selon le journaliste du Parisien, « la canicule est asymptomatique », alors quâil nâa jamais employĂ© ce terme, et que « les Français ont chaud sans le savoir ». Lâexpression se diffuse dĂšs lors Ă grande Ă©chelle. Elle est reprise par lâex-dĂ©putĂ© europĂ©en Florian Philippot le 3 aoĂ»t, et sâimpose dans le registre sarcastique des sceptiques en matiĂšre de changement climatique. Elle repose pourtant sur plusieurs incomprĂ©hensions.
Confusion entre climat et ressenti Longtemps, le climatoscepticisme a Ă©tĂ© lâaffaire dâacadĂ©miciens pouvant se prĂ©valoir dâune assise institutionnelle et dâun certain bagage scientifique, comme Claude AllĂšgre. Ces discours sont aujourdâhui lâapanage dâinfluenceurs conspirationnistes adeptes de formules-chocs et de raccourcis simplistes.
Lâexpression concentre pourtant un double malentendu. Le premier, hĂ©ritĂ© du Covid-19, est quâune maladie serait forcĂ©ment symptomatique, le contraire relevant dâune « absurditĂ© mĂ©dicale », comme lâestimait un peu rapidement lâessayiste Bernard Henry-LĂ©vy en 2020. De nombreuses pathologies graves se dĂ©veloppent pourtant longtemps sans signaux apparents, comme lâinsuffisance rĂ©nale, le sida, ou encore le cancer â dâoĂč lâimportance des analyses sanguines et des tests de dĂ©pistage. Il en va de mĂȘme de certaines maladies virales, comme le virus Zyka ou le Covid-19, qui peuvent avoir une issue mortelle.
Le second malentendu tient Ă la nature du changement climatique, que les derniers sceptiques rĂ©cusent chaque fois quâil fait frais, froid, ou venteux. Le terme de « rĂ©chauffement climatique » porte en lui les germes de ce malentendu. Certes, il est bien question de rĂ©chauffement global, moyen, de la planĂšte et des ocĂ©ans. Mais Ă lâĂ©chelle des individus cela ne correspond pas Ă une rĂ©alitĂ© vĂ©cue : en effet, les variations mĂ©tĂ©orologiques et le rythme des saisons continueront de faire fluctuer ensoleillement et prĂ©cipitations.
« Le climat, ce nâest pas que la tempĂ©rature, rappelle Julie Deshayes, ocĂ©anographe et climatologue au CNRS. Il est trĂšs difficile de penser le changement climatique uniquement Ă partir du ressenti Ă un endroit prĂ©cis. » A hauteur dâhumain, il se manifeste surtout par des Ă©vĂ©nements mĂ©tĂ©orologiques extrĂȘmes, comme la canicule, les sĂ©cheresses, les orages violents, les pluies diluviennes et les inondations.
De ce point de vue, lâexpression « dĂ©rĂšglement climatique » est probablement plus efficace pour expliquer que les records de chaleur (en MĂ©diterranĂ©e, dans lâAtlantique Nord) et les inondations historiques (Chine, SlovĂ©nie) sont deux facettes dâun mĂȘme problĂšme. Et que ce nâest pas parce quâil fait frais dans la salle de bains que la maison ne brĂ»le pas.
Merci pour le partage et vive les sophismes :/
On ignore les Ă©chelles locales/globales et on fait une gĂ©nĂ©ralisation abusive Ă partir dâun Ă©chantillon pas trĂšs reprĂ©sentatif. âChez moi en ce moment il ne fait pas chaud donc la hausse globale des tempĂ©ratures observĂ©e sur les derniĂšres dĂ©cennies nâexiste pasâ. La derniĂšre phrase de lâarticle le dit avec une jolie pointe dâhumour.
Ca rappelle lâautre abruti qui avait apportĂ© une boule de neige au sĂ©nat US pour âdĂ©montrerâ que le rĂ©chauffement climatique ben ça existe pas đ€Ą
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