C’est toute la pelote de la masculinité qui est à retricoter, fibre après fibre, car c’est dans le masculin qu’est niché le meurtre (potentiel). Je ne parle pas d’un hypothétique chromosome meurtrier, mais bien de notre construction sociale. Performance, compétition, bannissement des émotions, de leur expression, de leur élaboration, indulgence coupable voire valorisation de la violence… toute cette virilité déversée sur nos têtes dès l’enfance est un baptême de sang. Il est temps de trouver un masculin repensé, altéré, a viril.
C’est à la société tout entière de s’emparer de cette tâche, d’éduquer les garçons autrement, de tout reprendre à zéro et de bâtir sur un socle nouveau. Changer jusqu’à la matière première dont les hommes sont faits, pas simplement l’amender, l’adoucir. On n’adoucit pas le fer. Et produire ainsi de nouvelles générations de garçons que leurs pères ne comprendront pas, que leurs pères mépriseront peut-être. Soit. Les grands changements de société sont toujours accompagnés d’incompréhensions et de conflits. Le masculin viril, ce que nous sommes depuis la nuit des temps, doit aller à la poubelle. Tout entier. Il ne s’agit plus de déconstruire mais bien de construire. Autre chose.
La difficulté c’est aussi lié à la toxicité extrême de l’identitarisme. Les gens (femmes ou pas) croient beaucoup qu’ils sont ceci ou cela, et il y a eu ces dernières années une nette radicalisation sur les identités. Or il se trouve qu’en fait personne n’est ceci ou cela tout le temps, ou partout. C’est très contextuel et changeant. Si un type est auvergnat à Paris, à New-York il est juste français. En fait on n’a même pas la même opinion sur un sujet donné en fonction du contexte dans lequel on se trouve !
Et après ça marche en retour de la même façon. Je suis toujours épaté de voir de vrais fachos dirent que l’extrême-gauche commence à Macron voire plus à droite, et à gauche certains font jusqu’à placer Montebourg ou Roussel dans les fachos – mais si tout le monde est facho, alors plus personne ne l’est et les mots n’ont plus de sens.
C’est pareil avec le féminisme, ça n’est pas et ça ne peut pas être univoque, parce qu’il n’y a pas “une vraie destination” qui satisfera tout le monde. Ça me rappelle un truc que me racontait un copain chilien : les hommes étaient à fond contre la dictature, mais les femmes étaient plutôt pour. Parce qu’avec la dictature, les hommes rentraient tôt, traînaient pas dans les discussions politiques au bar, n’allaient pas se bagarrer avec les fascistes.
Concernant le voile musulman, ça n’est pas que “l’état”. On ne peut pas tout lire systématiquement comme une oppression, ça n’est pas opérant. Il y a bien eu un effort constant des islamistes pour bâcher leurs femmes, il y a bien eu les années noires en Algérie, il y a toujours le financement continu de l’Islam en Europe par les monarchies les plus rétrogrades et fascistes, et en même temps il y a un refoulé colonial pas géré en France, et il y a aussi un rejet très majoritaire en France de toute différentiation, qui est en grande partie lié à une très forte aspiration à l’égalité (c’est montré dans différentes études sociologiques et anthropologiques). Bref c’est compliqué. Ça n’est ni “toutes des islamistes” ni “toutes des pauvres victimes opprimées soumises au racisme”.